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Modellenland

Interview: Mathilde Warnier (Belgium) Winner of the Month, Cover girl issue 29 (part2) November 2017


Que pouvez-vous nous dire sur vous?

Avant tout, je suis étudiante en lettres à l’Université de Liège, en 3ème année de bachelier. Je suis également modèle, mais ma passion pour la littérature s’illustre à travers certaines de mes photos, que je prends avec mon appareil argentique Chinon. La photo est pour moi beaucoup plus qu’une passion : c’est une échappatoire. Elle me permet de faire passer des messages que je considère comme importants ou d’évacuer mes angoisses. J’ai grandi dans une famille aimante et concernée, qui m’a toujours soutenue dans mes projets photographiques. J’ai une relation très fusionnelle avec mon entourage : ils sont mes repères.

Si vous pouviez changer quelque de vous , qu'est-ce que cela serait ?

Je pense sincèrement qu’il ne faut pas tenter de changer ce que nous sommes, à moins que ce soit pour devenir une « meilleure version » de soi-même.

Mais puisque vous me le demandez, je répondrais mon hyper sensibilité, qui peut être perçue comme une qualité, mais qui est parfois difficile à vivre au quotidien ! Une simple chanson, un film, une image, peut faire couler un torrent de larmes et me plonger dans un long questionnement.

Quelles sont vos qualités personnelles qui vous distinguent des autres?

Il est toujours difficile de se trouver des qualités, et surtout de les admettre. Mais je dirais que j’ai su faire preuve de persévérance alors que beaucoup tentaient de me décourager. Enfant, j’ai fait face à des moqueries concernant mon visage, que les autres trouvaient étrange. J’aurais pu m’arrêter là, mais j’ai tenté de tirer le positif de cette différence.

Par ailleurs, je m’obstine toujours, lorsque ça me tient tellement à coeur, pour arriver à l’objectif que je me suis fixé. Il est important pour moi de me dire, en regardant en arrière, que j’ai fait le maximum.

Quelles sont vos meilleurs expériences jusqu'à présent?

Mon premier shoot avec Rudy Lamboray reste le souvenir d’une révélation. Le stress était très présent, mais n’a jamais pu surpasser le plaisir. Une autre excellente expérience fut ma rencontre, grâce à Rudy, avec Sophie Hornard, qui est devenue tellement plus qu’une photographe à mes yeux. La photo, c’est aussi cet aspect : les rencontres, qui sont souvent enrichissantes, parfois merveilleuses. Je pense notamment à Samuel Jacob, dont la qualité du travail m’a convaincue à me lancer dans le nu.

Une autre étape dans mon parcours a été ma collaboration avec le coiffeur Mike Carpino pour sa collection, qui m’a ensuite permis d’entrer en contact avec la styliste Ariane Lespire, pour qui j’ai posé à deux reprises. Très récemment, j’ai eu l’opportunité de défiler lors de la Lux Fashion Week aux côtés de la styliste Vinciane Collignon, et cette expérience était un couronnement.

Comment avez-vous commencé à être modèle?

J’ai commencé le monde de l’image par du cinéma, même si j’étais intéressée par la photo depuis longtemps. En 2013, j’ai campé un second rôle dans le court-métrage « Vertiges » d’Arnaud Dufeys. Cette expérience m’a permis de faire de nombreuses rencontres, dont l’actrice Sophie Breyer, qui avait été photographiée par un certain Rudy Lamboray… Ce même Rudy qui, peu après, me contactait pour un shoot. C’était une première : j’étais flattée, mais aussi angoissée. Ce fut le début d’une grande aventure mais aussi d’une passion.

Que pensez-vous de votre travail en tant que modèle?

Je conçois avant tout mon activité de modèle comme une activité de comédienne. L’important, c’est de camper le rôle adapté aux besoins du photographe. Ainsi, je peux, sur mes images, être quelqu’un que je ne suis absolument pas dans la vie. J’ai la chance (ou la malchance, vous en jugerez) d’avoir un visage très expressif : je ne peux rien cacher !

Dans les contextes artistiques, je souhaite que mes photos provoquent une émotion forte à celui qui les regarde, qu’elles le fassent réfléchir, éventuellement.

Comment voyez-vous la beauté ?

Selon moi, la beauté se cache dans la différence. Elle ne comporte aucun critère. C’est l’idée que j’ai développée au fur et à mesure de mes expériences, et celle que je tente de transmettre à ma jeune soeur. J’estime qu’il faut tirer parti de ce qui nous différencie, de ce qui pourrait être perçu comme un défaut, et en faire son arme de réussite. Un défaut assumé peut se transformer en qualité : la confiance joue beaucoup. C’est ainsi que j’admire une agence telle que Wanted Models, qui met en avant les physiques « hors du commun ». Je suis plutôt contre les processus de retouche, en post traitement, qui modifient le modèle : je pense que ce qui fait partie d’elle ou lui, un grain de beauté, un nez en trompette, doit rester intact pour préserver l’authenticité de sa beauté.

Plus généralement, il me semble que, pour voir la beauté, il faut la regarder avec des yeux bienveillants, la rechercher. Grande fanatique des paysages montagnards, je suis chaque année éblouie par la beauté majestueuse de la nature, aussi parce que je suis dans un moment de sérénité dans mon esprit, entourée par mon père et mes soeurs. Cet optimisme, cette bonne humeur ambiante ouvre mon regard, qui tente alors de recevoir chaque parcelle de beauté qui l’entoure. Je peux l’apercevoir dans le regard des gens que j’aime, dans un paysage ou dans le son d’un rire.

Quels sont vos projets pour l’avenir?

Le temps a passé depuis mon premier shoot, et j’ai maintenant des opportunités que je n’aurais jamais pu, au commencement, imaginer : d’ici quelques jours, je participerai à mon premier shooting à l’étranger, à Nancy, pour une marque de lingerie. La lingerie est un domaine qui m’attire de plus en plus. D’autres projets m’attendent à Paris. Ces premiers contrats hors de la Belgique sont un accomplissement pour moi.

Après avoir défilé pour Vinciane Collignon, l’un de mes principaux objectifs est de prouver qu’on peut réussir dans le monde de la mode en étant petite (je ne mesure qu’un mètre soixante quatre !), malgré les diktats. Je voudrais que d’autres jeunes femmes et hommes qui possèdent d’autres atouts ne correspondant pas à ceux-ci se lancent dans l’aventure.

Avez-vous un conseil à donner aux personnes qui aimeraient commencer dans ce milieu ?

J’embraye en suivant la logique suivie dans la question précédente : je pense qu’il faut d’urgence que des personnes qui s’en sentent le courage bousculent le monde de la mode. Si vous êtes persuadé que vous avez quelque chose à y faire, lancez-vous, et n’écoutez pas les personnes qui tenteront de vous dire que vous ne pouvez pas : si c’est le cas, vous vous en rendrez compte seul(e). Ne vous découragez pas, ne pensez pas que votre poids, votre taille ou une caractéristique physique peut vous arrêter. Et surtout, n’oubliez pas de garder une distance : les personnes que vous côtoyez ne détiennent aucune vérité, leurs remarques négatives ne doivent pas bousculer l’image que vous avez de vous-même.

Que pensez-vous du magazine "Modellenland « ?

Le monde de la photo avait sans nul doute besoin d’un site comme celui-là. Il est vraiment important et intéressant d’avoir un répertoire aussi large de tous les différents profils participant à un shooting. Le plus ? Les interviews permettent de se faire une première idée des manières d’envisager les choses de chacun.